Les origines de Mathurin Dubé

Mathurin Dubé, fils de La Chapelle-Thémer

Notre ancêtre Mathurin Dubé est identifié lors de son mariage comme « fils de deffuncts Jean Dubay et de Renée Suzanne » de La Chapelle-Thémer, une paroisse rattachée au diocèse de Luçon, arrondissement Fontenay-le-Comte, Poitou (Vendée). Le lieu d’origine de notre ancêtre Mathurin, La Chapelle-Thémer, est maintenant bien connu de nombreux Dubé. A cette époque, tout comme aujourd’hui, c’est un petit hameau de quelques centaines d’habitants perché dans une région boisée ondulée de collines dominant le marais poitevin, qui se trouve en contrebas et en direction de la mer. Ses habitants devaient vivre d’agriculture et notre ancêtre, dès son plus jeune âge, a donc normalement pris contact avec le travail de la terre et devait avoir une expérience minimale de la forêt. La mer, sans être très éloignée, n’était pas si facile d’accès avec les moyens de transport de l’époque. On devait y accéder par voie terrestre, car les cours d’eau y sont très peu considérables. Le port de La Rochelle, à une centaine de kilomètres au sud-ouest, devait tout de même être connu des habitants de cette région.

La Chapelle-Thémer est une petite commune rurale dont la population est en déclin. Elle comptait 1135 habitants en 1801, mais seulement 334 en 1999. Elle se situe à proximité du triangle formé par Luçon, Ste-Hermine et Fontenay-le-Comte.

Nous ignorons à peu près tout de la vie socio-économique de cette région au temps de Mathurin. Il y a cependant cette description lapidaire du futur cardinal de Richelieu qui, au moment de devenir évêque de Luçon en 1606, affirmait que son diocèse était « le plus vilain de France, le plus crotté et le plus désagréable». Il y a dans ce jugement la perception d’un responsable catholique qui sait devoir affronter une population en partie convertie au protestantisme. Les seigneurs de la région de Sainte-Hermine, voisine de La Chapelle-Thémer, étaient des protestants au début du XVIIe siècle. Les paysans n’étaient pourtant pas toujours du même avis que leurs seigneurs en matière religieuse. Il semble aussi, selon cette perception du célèbre évêque, que ses ouailles n’étaient pas très fortunées. Querelles religieuses et pauvreté latente sont sans doute des motifs qui ont poussé notre ancêtre à tenter l’aventure vers le Nouveau Monde. Si l’on considère les relations ultérieures de Mathurin avec le clergé de la Nouvelle-France, il nous semble qu’en aucun cas il n’ait été un protestant en quête d’une plus grande liberté religieuse. Affronter «la mer Océane» pour améliorer son sort était aussi un défi de taille. Il y avait donc chez Mathurin, aîné de famille, un fort goût pour le changement, mais il nous est difficile d’en évaluer les ingrédients exacts.

Un descendant de seigneurs bretons : le doute s'impose

Pour découvrir les premiers Dubé, il a fallu tourner notre regard vers des archives seigneuriales, car les paysans illettrés de l’époque n’en avaient pas. À la recherche d’indices anciens sur l’existence de personnes appelées Dubé, nos prédécesseurs ont surtout insisté sur l’importance d’un manoir situé à Ménéac, en Bretagne.

Selon Paul Gilles, l’historien de Ménéac, se trouve dans cette région un hameau qui porte le nom de Le Bé et un bois qui s’appelle le Bois du Bé. Il y eut une seigneurie, un château et ses dépendances : «Le Bé semble être le domaine le plus ancien. Nous y voyons les seigneurs du Bé dès 1200. » Aujourd’hui, le nom des Dubé est associé à Ménéac par les armoiries officielles de cette ville et leur provenance attestée. La Généralité de Laval, en Bretagne, a produit un document qui stipule que « les armoiries de Jean Du Bé de la Garenne, Sgr du Bé en Ménéac, de la Garenne, de Morelais, la Colinaye, la Lande, St-Aubin des Cormiers et autres lieux…, ont été enregistrées à l’armorial Général, dans le Régistre cotté Rennes. »

Cette carte illustre le territoire breton et dans la section encadrée en bas à gauche la zone de Ménéac. En bas, à droite La Chapelle-Thémer en Vendée.

Le brevet d’enregistrement a été délivré à Paris en juillet 1698 à la suite d’une « ordonnance rendue le 5ème du mois de mars de l’an 1698, par Mrs les Commissaires généraux du Conseil. » Les premiers chercheurs Dubé ont tenté d’établir un lien entre ce manoir breton et notre ancêtre Mathurin. Le 5 décembre 1937, un archiviste niçois, Henri-Paul Noyer d’Orcinas de Comps a dressé une Notice historique et généalogique sur la famille Dubé dans laquelle il signale que la branche aînée de la famille qui était en possession du fief Dubé s’est éteinte à Ménéac vers le XVe siècle. Après avoir signalé une descendance de ces Dubé dans plusieurs régions de France, il franchit le pas et rattache notre ancêtre à cette origine. Certes, les lois de succession en vigueur en Bretagne à l’époque pouvaient entraîner l’appauvrissement progressif des descendants d’un seigneur qui devaient se partager l’héritage paternel et qui, après quelques générations, devaient se disperser et étaient absorbés par la paysannerie ou les classes ouvrières. Même si nous admettons que ce fut peut-être le cas des descendants des seigneurs Dubé et si nous pouvons sans hésitation reconnaître l’existence de notre patronyme dans cette région précise de la Bretagne, nous ne détenons aucune preuve généalogique nous permettant d’attester que les Dubé de La Chapelle-Thémer descendaient de ceux de Ménéac.

Les origines de Marie Campion

Marie Campion : orpheline aux racines controversées

Marie Campion, notre ancêtre féminine, a toujours posé une énigme aux chercheurs. Le généalogiste Michel Langlois, comme plusieurs autres auteurs, écrit qu’elle est originaire « de la paroisse Saint-Nicaise, de la ville de Rouen en Normandie. » Mais ses origines ne sont pas aussi claires, car les documents relatifs à son mariage mentionnent qu’elle est originaire de Saint-Malo et de Rouen.  Le notaire Becquet identifie Marie comme la «fille de Pierre Campion et de deffuncte Margueritte Esnau ses père et mère de la ville de St. Mallo». Par contre, le curé de Sainte-Famille, île d’Orléans, mentionne qu’elle est originaire «de St-Nicaise de la ville et archevêché de Rouen». Cette énigme n’a pu être résolue malgré les recherches de certains chercheurs, dont le père jésuite américain Joseph Anthony Dubé. Charles-Henri Dubé a formulé récemment une hypothèse intéressante après avoir consulté un site Web consacré aux églises de Rouen. On y voit l’église de Saint Maclou décrite comme suit : «L’église St-Maclou est dédiée à un Saint breton appelé aussi Malo.». Le notaire Becquet se serait-il mépris sur l’identité du lieu en le situant en Bretagne plutôt qu’en Normandie? à la suite de Charles-Henri, il nous semble vraisemblable que Marie ait vécu dans les paroisses de Saint-Maclou (Malo) et Saint-Nicaise, situées toutes deux à Rouen.

Charles-Henri Dubé, dans le même article, pose aussi la question de l’ « origine nobiliaire » de Marie Campion, en reprenant une information diffusée par le généalogiste Raymond Dubé qui, dans une lettre à l’un de ses correspondants, écrit : « La famille des Campion était de la paroisse St-Nicaise, Ville de Rouen, en Normandie. Cette branche des Campion est de la maison des de Campion de Montpoignant et d’Aubigny, maintenue noble en 1688.»Nous ne connaissons pas la source d’où Raymond pouvait tenir cette information. De plus, Charles-Henri a effectué des démarches auprès de correspondants, membres de l’Amicale des Campion, et du généalogiste français Damien Rauline. D’un côté comme de l’autre, ces échanges n’ont pas apporté d’éléments concluants mais Damien Rauline écrit : « Ce que je peux juste dire à propos de l’hypothèse Campion de Montpoignant, c’est que Campion est un nom que l’on rencontre en Normandie sans qu’il s’agisse de membres de cette famille noble. Sans autre élément, j’aurais donc tendance à dire qu’il y a toutes les chances pour que Marie Campion ne descende pas de cette famille noble. » établir un lien entre Marie Campion et la noblesse française nous semble donc osé dans l’état actuel de nos connaissances.

Marie Campion : une Fille du roi

Cependant, au cours de ses recherches, Joseph Anthony Dubé a trouvé dans un registre de Saint-Nicaise un acte où semble inscrit le décès d’une Marguerite Esnault en mai 1664. S’il s’agit de la mère de notre Marie, celle-ci aurait été orpheline à l’âge de 10 ans. Et, comme plusieurs orphelines, au cours des années 1663 à 1673, elle s’inscrit dans le plan conçu par le roi Louis XIV, son ministre Colbert et l’intendant Jean Talon pour favoriser le peuplement de la Nouvelle-France déclarée colonie royale en 1663. Pour ce faire, il fallait y attirer un plus grand nombre de « filles à marier ». Recrutées à Paris ou en province par des marchands ou des armateurs, ces Filles du roi  – l’historien Yves Landry en identifie environ 770 – étaient dirigées vers Dieppe ou La Rochelle d’où elles s’embarquaient pour le Canada. Chaque contingent était confié à une femme de France ou de la colonie « bien recommandée et capable de maintenir ses protégées sous une discipline rigoureuse, pendant une traversée de deux mois… » Parmi ces accompagnatrices, mentionnons Anne Gasnier : fille d’un bourgeois de Paris, devenue veuve à la suite d’un premier mariage en France, elle avait émigré au Canada où elle avait obtenu la concession de la seigneurie de Jacques-Cartier et celle de l’arrière-fief de Monceaux dans Sillery. Désignée par Marie de l’Incarnation comme « la mère des misérables et l’exemple de toutes sortes de bonnes vertus », madame Gasnier avait accepté d’épouser Jean Bourdon, devenu veuf avec sept enfants à sa charge, à condition de vivre « comme frère et sœur ». Jean Bourdon était un notable qui s’est illustré comme seigneur, arpenteur, cartographe, commerçant et procureur général au Conseil Souverain de la Nouvelle-France. Veuve une seconde fois, Madame Gasnier-Bourdon a dirigé certains de ces contingents dont celui de 1669, hébergé plusieurs « pupilles du roi » dans sa maison de Québec et signé plus de 300 conventions matrimoniales de ces dernières. Son travail a été poursuivi par élisabeth Estienne, une parisienne qui aurait séjourné à Québec, dirigé les contingents de 1670 et 1671 et signé également une cinquantaine de contrats de mariage de ses protégées. Selon l’historien Sylvio Dumas : « Plus de 90 pour cent de ces immigrantes épousèrent des habitants nouvellement établis sur des terres boisées ».